L'ennui chassé par le style
J'ai vu "Volver". Pour les chagrins qui n'ont pas aimé le film, passez votre chemin, vous ne trouverez pas ici d'eau pour votre moulin.
Avant tout, mention spéciale pour les trouvailles de la costumière du film. Pénélope Cruz paraît dans une succession de tenues impossibles et expréssément trop petites pour elle, ce qui lui donne à la fois l'air d'une dinde, et d'une bombe ! Et que dire de l'apparition de Carmen Maura, portant des mi-bas sous le genoux et la blouse des femmes qui vivent à la campagne et travaillent à la maison.
Une silhouette, et les personnages sont posés. C'est ça le style.
Et Almodovar, il a le sien. Comme un écrivain ou un peintre, on reconnaît sa patte : son univers coloré et baroque, ses envolées oniriques, son optimisme déséspéré, et sa façon à lui de parler de la mort, de la maladie, de l'inceste.
Des femmes aussi. Vieille, grosse, maigre, sexy, volée, trompée, adulée, jalouse ou exploitée, les femmes sont au centre de son oeuvre. La femme est l'alpha et l'omega OK, mais Almodovar est un hyper réaliste qui ne se laisse pas prendre à une image béate. Au contraire, les traits féroce soulignent avec subtilité comment les femmes sont solidaires dans les limites de leur adversité... (la mère à la fille : "t'as toujours eu d'aussi gros seins ma fille ?", tellement saignant, jubilatoire !)
Du peuple espagnol enfin qui, par sa vitalité, survit à tout, debout. Le franquisme est derrière lui, vive la liberté !
Pour moi, le style Almodovar c'est la liberté partout et toujours, dans la fantaisie, la couleur, l'outrance : la parole est libre, les sentiments sont libres, les êtres sont libres.
La conscience de cette liberté fonde l'optimisme acharné qui fait l'aura des films de Pedro Almodovar. En voyant ses films, j'ai toujours le sentiment qu'il n'a pas fini d'épuiser le plaisir de goûter à cette liberté. Et tant mieux, ça fait sa fraîcheur.
Sagan disait "le style, c'est quoi ? c'est une petite musique".
"Volver", la chanson éponyme du film éclate comme un coup de révolver. Le play-back est ici une co-interprétation, tant la gestuelle de Pénélope Cruz est en phase avec la violence du ton d'Estrella Morente, de la musique flamenca, de la revanche à prendre sur la vie.
Je ne vais plus que très rarement au cinéma, c'est même devenu exceptionnel tant les films d'aujourd'hui m'ennuient, je les trouve toujours trop longs. Mais quand y'a du style, l'ennui s'enfuit.
1 commentaire:
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