27 avril 2006

Clic-clic et tic-tac : jeux d'aiguilles

Comme l'a écrit Marion dans un récent commentaire, le tricot "c'est souverain pour se détendre le ciboulot". Je confirme : mettez-vous au calme, prenez votre tricot, laissez vous aller.

Le cliquetis des aiguilles s'impose bientôt comme le bruit du balancier de l'horloge chez grand-mère : lorsque la grande aiguille a parcouru un quart de tour, ding ! une petite sonnerie cristalline. C'est comme dans la course à pied : il y a un rythme intérieur, comme une respiration... il s'accélère, on n'y pense plus, l'esprit s'évade, s'envole et vagabonde...

J'ai six ans. Je suis assise sur le banc de bois, sous le manteau de la cheminée de la cuisine. Je balance mes pieds qui ne touchent pas parterre. Sur la grande table, la toile est cirée, bleue et blanche, comme le carrelage qui recouvre les murs tout autour de l'âtre. Au dessus, les cuivres rutilent, accrochés tels des trophées. Le balancier de l'horloge fait entendre son tic-tac rassurant.

La soupe que j'aime tant, avec ses légumes en morceaux qui fondent dans la bouche, mijote sur la gazinière. Il fait chaud. C'est l'été, mais en Béarn on mange la garbure tous les jours de l'année.

En face de moi se tient Marie, ma terrible grand-tante, la "reine mère", calée dans son fauteuil. Il y a longtemps qu'elle ne peut plus marcher, mais de son poste de commandement elle administre tout et tous dans la maison. Elle sait ce qui se passe à des kilomètres, grâce à Amélie, l'ancienne camarade de classe, la veuve du gendarme, qui vient chaque jour rapporter les nouvelles. Amélie aussi, elle est très sévère.

Elles parlent le patois, tout en épluchant des haricots ou plumant une volaille. Je ne comprends pas, mais j'écoute et je regarde.

Le chignon gris de Marie, le même que celui de sa mère, la dame austère dont le portrait photographique est accroché dans la chambre de ma grand-mère. Les mains aux articulations arthritiques, aux petits ongles pointus, qui coupent net les pointes des haricots verts. La blouse dont je l'ai toujours vue vêtue, sauf pour le repas de Noël.

La vie s'écoule ainsi, tous les jours de la même façon. Les volets sont tirés, il fait un peu sombre, mais on est à l'abri de la chaleur derrière les murs épais. Quand l'horloge sonnera quatre heures, j'aurai un goûter...

Je n'ai plus six ans. La maison a été si transformée qu'elle ne se ressemble plus. Marie, Amélie et ma grand-mère sont parties poursuivre leurs conversations ailleurs. Aujourd'hui, dans ce village des côteaux du Béarn, l'horloge s'est tue et je n'y vais plus.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime bien ton histoire, on a toutes des souvenirs de ce genre.
Nostalgie...

Meriem a dit…

fantaisine -> j'aime bien quand ça revient comme ça comme un flash. Au fait, tu cours le Macadam le 14 ?

Anonyme a dit…

Il semble que vous soyez un expert dans ce domaine, vos remarques sont tres interessantes, merci.

- Daniel